Ary Kueka est auteur, compositeur et chanteur : c’est une figure de l’île de Santo Antão, dans l’archipel du Cap Vert. Là-bas, tout le monde le connaît à cause de l’Atelier Bar, le petit resto qu’il tient sur la côte, tout autant que pour le succès de son premier album, Sampadiu. Et que ce soit dans ses chansons ou à la terrasse de son bar, Ary a des histoires à raconter. À commencer par la sienne : la perte de ses parents quand il était encore tout jeune, et les rudes difficultés de la vie à affronter précocement : les affres de la drogue et de la boisson, mais aussi le pouvoir rédempteur de la musique.
«J’ai dû quitter la maison à l’âge de 7 ans, j’ai dormi dans la rue à 7 ans et j’ai commencé à boire à 7 ans , explique Ary à propos de son passé tortueux. Je pense qu’à cause de ce vide causé par la perte de mes parents, j’ai développé une certaine sensibilité pour la musique, pour la nature et pour l’art » raconte-t-il à PAM dans cette journée où nous nous sommes invités dans sa vie.
Un jour, dans les brumes de l’addiction, Ary a une révélation quand il entend l’une des ses compositions à la radio. Il se rend compte que, pour que ses rêves deviennent réalité, il lui faut un changement de vie radical. Avec l’aide de José da Silva, fondateur du label Harmonia devenu célèbre pour avoir été le producteur de Cesaria Évora, Ary comprend que la meilleure des choses à faire, c’est de travailler sur lui-même, et sur son projet d’album studio.
Le résultat – l’album Sampadiu – à la forme libre qu’ont les sons voyageurs des îles. S’inspirant du folk, du reggae ou de la bossa nova, avec sa voix taillée pour la morna capverdienne, son projet est une alchimie lyrique qui colle à son île, Santo Antão. Son écriture naturelle et son timbre touchant, accompagnés par la direction artistique du maestro “Djo” Da Silva… tout cela réuni pour donner naissance à ce trésor insulaire jusqu’ici demeuré dans l’ombre.
En réalité, l’ombre était toute relative puisqu’en nous faisant visiter son bar-restaurant, Ary nous a montré les quatre prix remportés lors de la première édition des grand prix de la société capverdienne de musique (SCM) : meilleur producteur phonographique, meilleur auteur, meilleur compositeur et meilleur interprète pour la chanson « Escravatura moderna » (Esclavage moderne).
Nous, nous l’avons découvert sur la scène de l’Atlantic Music Expo 2022, à Mindelo. Guitare en main, il lançait ses chansons au public local qui reprenait les refrains avec enthousiasme, et laissait son empreinte ce soir-là sur l’île de São Vincente.
Chantant la nature dans tous ses états et la profonde beauté d’une vie simple, la musique d’Ary est rédemptrice et universelle, et pour ne rien gâter, magnifiquement composée. Au lendemain de son concert à Mindelo, nous l’avons suivi sur son île natale, Santo Antão, où commence notre court documentaire. C’est là, à une heure de ferry du port de Mindelo, que nous avons découvert une oasis naturelle restée à l’écart des routes du « développement ». Autrefois volcan en activité, l’île dresse sa figure imposante et stoïque sur l’Atlantique, coiffée d’un cratère massif et d’un flanc aussi stérile que rocheux, ridé par les sillons tortueux que le magma a laissé sur son passage. Le côté opposé, à l’inverse, est luxuriant et tropical, semé d’arbres et de vignes. C’est sur cette partie de l’île, en son extrémité, que se trouve le resto en plein air d’Ary. C’est là qu’il cuisine, sert et tient le bar pour des clients qui tous, le connaissent par son nom.
Ary nous a aussi emmené faire une promenade plus haut, là où les broussailles chatouillent le ciel, pour admirer la vue magnifique sur Santo Antão. Là, il nous a parlé de sa relation avec la nature, l’inspiration ultime de sa musique. Marchant avec sa guitare, le voilà qui chante l’eau de pluie qui tombe sans être récupérée, alors que l’eau potable se vend dans de petits sachets plastique et que le grogue (rhum local) produit partout sur les côtes de l’île est, lui, bien plus accessible. En chemin, Ary s’arrête pour dire bonjour à tout le monde. Jeunes et vieux, il enveloppe chacun de ses concitoyens avec un mot et un sourire. Les voitures et les bus s’arrêtent pour lui serrer la main. Dans les moments d’accalmie, il hisse sa guitare jusqu’à sa poitrine et joue une mélodie.
Ce PAM Meets est un voyage dans la vie intime d’un artiste qui s’est transformé et sert désormais de modèle et de pilier à une petite communauté insulaire. Plongez dans la nature de Santo Antão, suivez l’histoire d’un orphelin devenu entrepreneur et respirez la « morabeza » (la douceur de vivre) de la musique d’Ary.
L’Atlantic Expo 2023, se tient jusqu’au 14 avril à Praia (Cap Vert).
Tout le programme est là.
